Au cœur de la mythologie khmère se trouve une légende fascinante : celle de l’union entre le prince indien Kaundinya et la princesse Naga Soma. Il y a des milliers d’années, le Cambodge était une île habitée par les Naga, des créatures mi-humaines, mi-serpents, vénérées comme les protecteurs des lacs et des rivières. L’histoire raconte qu’après que Kaundinya soit tombé amoureux de la princesse, son père, le roi Naga a béni leur union. Dans le cadre de cette bénédiction, il a asséché les eaux environnantes, révélant la terre qui deviendra ensuite le Cambodge.

Cette légende met en évidence le lien profond entre l’eau et les fondements du Cambodge. L’eau est essentielle à la culture khmère, symbolisant la vie, l’agriculture, la prospérité et la spiritualité. Elle rythme la vie quotidienne et façonne les traditions et les croyances.

Chaque année au Cambodge, on célèbre l’eau. Du 16 au 17 octobre 2024, Battambang accueillera son propre Festival de l’Eau, un mois avant la célébration nationale. Cet événement vibrant réunit non seulement la communauté, mais reflète également l’esprit culturel de la province de Battambang. Pour Phare Ponleu Selpak, ce festival revêt une signification particulière car il joue un rôle clé dans la revitalisation et la préservation de la culture cambodgienne.

Honorer l’eau dans la culture khmère : un geste de gratitude

L’eau occupe une place prépondérante dans la société cambodgienne. Chaque année, lors de la pleine lune à la fin d’octobre ou au début de novembre, les Khmers se rassemblent pour célébrer et demander les bénédictions des divinités associées à l’eau. Cette période marque l’inversion du flux d’eau entre le Mékong et le Tonle Sap et célèbre la fin de la saison des pluies et le début de la saison sèche.

Pourquoi célébrer l’eau ?

L’eau est une véritable source de vie et de subsistance pour les Cambodgiens. Une grande partie de la population dépend des ressources agricoles, notamment de la culture du riz, qui constitue la principale source de nourriture du pays. À la fin d’octobre, le changement de cours des rivières enrichit les sols et permet la migration des poissons, permettant une pêche abondante.

Dans la tradition bouddhiste, l’eau est utilisée dans les rituels de purification et de protection, symbolisant le renouveau spirituel. En honorant le Bouddha, les Cambodgiens expriment leur gratitude pour leurs récoltes de riz et prient pour la prochaine saison des pluies, qui est cruciale pour l’agriculture.

Ainsi cette célébration permet d’élever les consciences sur la valeur de l’eau, de manifester sa gratitude envers les divinités de l’eau et Bouddha, ainsi que de prier pour prospérité aquatique.  

Qu’est-ce que le festival de l’eau ?

Le Bon Om Tuk, ou Festival de la Course de Bateaux, est l’une des célébrations les plus importantes du Cambodge, organisée chaque année autour du Tonle Sap pendant trois jours. Au cœur de ce festival se trouvent les palpitantes courses de bateaux, où chaque embarcation représente différentes entités, y compris des pagodes bouddhistes, des ministères gouvernementaux et des provinces. Ces bateaux magnifiquement décorés et colorés sont manœuvrés par des équipes pagayant à l’unisson, symbolisant l’unité et la solidarité parmi les participants.

 

Crédit photo : Olivia AUDO

La tradition des courses de bateaux remonte au règne des rois angkoriens, ces compétitions étaient utilisées pour tester les compétences de combat des soldats et identifier de futurs champions. À l’époque, divers rites liés à l’eau étaient déjà pratiqués. Parmi les plus notables, on trouve la cérémonie royale de lavage de tête, un rituel symbolique qui souligne la sacralité de l’eau dans la culture khmère. Lors de  cette célébration, l’eau est une source de bénédiction et de protection pour toute la nation.

Le Festival de l’Eau mélange magnifiquement tradition, spiritualité et célébration, renforçant l’identité culturelle du Cambodge et le lien entre son peuple et l’eau. Alors que Phnom Penh sert de centre névralgique aux festivités, accueillant de grands événements nationaux, des provinces comme Battambang offrent une version plus traditionnelle et ancrée localement de la célébration.

Festival de l’Eau à Battambang : une ville créative en tant que source culturelle

Crédit photo : Huon Seyha

Le Festival de l’eau de Battambang se déroule un mois plus tôt que dans la capitale. Ce calendrier permet aux habitants des zones rurales, qui peuvent rencontrer des difficultés à se rendre à Phnom Penh, de participer aux festivités. Mais cet événement revêt également une dimension compétitive, puisqu’il sert de tremplin pour sélectionner les vainqueurs locaux qui représenteront fièrement la province lors des célèbres courses de pirogues à la capitale. L’événement unit non seulement les communautés provinciales, mais stimule également l’économie locale en attirant les touristes loin des sites habituels.

L’importance de l’authenticité culturelle

Le festival de Battambang évolue constamment. Lors de sa première édition en tant que gouverneur, Sok Lou a remarqué que les costumes portés pendant la célébration étaient des contrefaçons . Cela a mis en évidence la nécessité de restaurer et de valoriser l’héritage khmer authentique lors de telles célébrations.

Le pouvoir de l’art pour rassembler les gens

L’expertise de Phare Ponleu Selpak a été sollicitée pour renforcer l’authenticité culturelle du festival, reconnaissant le pouvoir de l’art pour rassembler les gens.

Phare joue un rôle clé dans la revitalisation de la culture, notamment à travers les arts de la scène. Lors des festivals de 2022 et 2023, nos étudiants ont joyeusement rythmé le défilé avec leurs tambours, ils ont révélé la beauté des danses apsara, enchanté la foule grâce à leurs performances de cirque et réchauffé les cœurs avec leur spectacle de torches !

Crédit photo : Olivia AUDO

Cela s’aligne sur l’identité de Battambang en tant que centre artistique au Cambodge, comme en témoigne son inclusion dans le Réseau des Villes Créatives de l’UNESCO. La ville possède une longue tradition artistique, notamment à travers Phare Ponleu Selpak, qui met en valeur les arts visuels et de la scène en lien avec la culture khmère.

Credit photo: Huon Seyha

Malgré les adaptations modernes, ce festival préserve son essence sacrée. C’est un moment unique où les gens se rassemblent au bord de la rivière pour célébrer et partager. Car si l’eau est la source de la vie, alors cette communion et cette joie collective en sont l’essence même.

Clémence DEVILLE

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Clémence DEVILLE est stagiaire en communication et dirige un atelier de théâtre à Phare Ponleu Selpak. Actuellement en mobilité à l’étranger dans le cadre de ses études à Sciences Po Toulouse, elle combine sa formation en sciences politiques avec un engagement artistique solide. Clémence cherche à créer des synergies entre ces deux domaines pour soutenir des projets à vocation sociale et culturelle. Passionnée par les arts et l’expression, elle est convaincue que ces disciplines sont des leviers essentiels de transmission et de transformation sociale.

Vous souhaitez contribuer à changer des vies grâce aux arts ? Rejoignez Phare Ponleu Selpak en tant que bénévole et utilisez vos compétences et votre expertise pour transformer la vie des enfants et des jeunes à Battambang, au Cambodge

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